Yvelines : Hal Singer, la légende du jazz, a soufflé sa dernière note

Le saxophoniste américain s’est éteint à l’âge de 100 ans à son domicile de Chatou. Son incroyable carrière musicale s’étale sur près de sept décennies.

 Chatou. Harold Joseph Singer avait quitté les Etats-Unis pour la France au milieu des années 1960.
Chatou. Harold Joseph Singer avait quitté les Etats-Unis pour la France au milieu des années 1960. LP/OLIVIER ARANDEL

    C'était l'une des toutes dernières légendes du jazz américain. Diminué depuis plusieurs années, Hal Singer est décédé mardi à Chatou où il avait élu résidence il y a de nombreuses années. Une fin « heureuse » selon son épouse Arlette, qui l'a accompagné en lui tenant la main jusqu'à son dernier souffle, à 17 heures précises. Ce souffle qui justement avait fait de lui l'une des références mondiale du saxophone.

    Marqué par la ségrégation aux Etats-Unis, il s'installe à Paris

    Harold Joseph Singer est né le 8 octobre 1919 à Tulsa dans l'Oklahoma (Etats-Unis). Ce dont la presse américaine s'est d'ailleurs subitement rappelée il y a deux mois, en plein mouvement Black Lives Matter, et ce tandis qu'un certain Donald Trump préparait là son premier meeting de campagne. Et le Washington Post de revenir alors sur la vie du musicien, présenté notamment comme rescapé du massacre de Tulsa en 1921, quand des membres de la communauté blanche s'étaient attaqués aux entreprises et aux habitants afro-américains. Bilan de l'émeute entre le 31 mai et le 1 er juin : 45 morts.

    Marqué au fer rouge par la ségrégation raciale aux Etats-Unis, Hal Singer avait décidé de s'installer à Paris en 1965 puis à Nanterre (Hauts-de-Seine) et enfin à Chatou quelques années plus tard. Le jazzman était alors à son apogée, occupant aussi bien l'affiche des plus grands clubs new-yorkais de la 52e Avenue que des grandes scènes internationales.

    Il avait débuté son immense carrière dans les années 1940 en accompagnant les plus grands noms de l'époque, de Roy Eldridge à Billie Holiday en passant par Red Allen puis surtout un certain Duke Ellington qui l'engage dans son orchestre en 1948. C'est à ce moment qu'Hal Singer commence réellement à écrire sa propre histoire musicale. « Après un enregistrement, un producteur m'a dit : écris-moi quelque chose de simple, d'intuitif », racontait-il à notre journal il y a quelques années. Un tube naît en quelques instants. Il porte le nom de « Cornbread », et restera quatre mois au sommet des hit-parades. Pour Hal Singer, la célébrité est immédiate. « Le succès pouvait venir vite à cette époque, nuançait-il. Et la musique est le seul registre où une personne inculte peut être appréciée. »

    Le conservatoire de la ville porte son nom

    Sa carrière solo, qui l'emmène aux quatre coins du Monde, durera près de six décennies. D'abord sur les routes des Etats-Unis avec d'incessantes tournées à raison de 250 dates par an, puis en Amérique latine et enfin en Europe. Et notamment en France où il rencontre Arlette, cette animatrice de 26 ans sa cadette qui deviendra sa femme et la mère de ses enfants. Elle l'accompagnera dans sa vie de musicien jusqu'à ce qu'Harold, usé par un double glaucome l'ayant rendu totalement aveugle, range progressivement le saxophone dans son étui.

    Chatou, le 26 septembre 2013. Hal Singer avait rejoué en public à l’occasion de l’inauguration du bâtiment culturel qui porte son nom. LP/Sébastien Birden
    Chatou, le 26 septembre 2013. Hal Singer avait rejoué en public à l’occasion de l’inauguration du bâtiment culturel qui porte son nom. LP/Sébastien Birden LP/OLIVIER ARANDEL

    En 2013, le saxophoniste, alors âgé de 93 ans, l'en avait toutefois ressorti à l'occasion de l'inauguration du conservatoire tout neuf baptisé… Hal Singer. « Ce n'est pas donné à tout le monde d'avoir un bâtiment public à son nom de son vivant. C'était un joli clin d'œil », sourit Eric Dumoulin, le maire DVD de Chatou en évoquant « un immense artiste qui était également un témoin de son siècle, tout à fait lucide sur son vécu et sur la question de la ségrégation, mais sans jamais se mettre dans une posture de victime ».

    Un hommage sera organisé dans quelques semaines en accord avec la famille. Ses proches se réuniront ce samedi dans la plus stricte intimité au cimetière des Landes pour la mise en terre de l'artiste. « Il attendait depuis longtemps de partir. On a simplement laissé la vie faire son œuvre », raconte sa veuve pour qui « il ne restera que des bons souvenirs » de son musicien de mari. Et aussi quelques très grands morceaux de jazz.

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